Animal, on a mal !

Publié le par Sabine

Tiens, si on parlait des animaux ? On ne les entend pas beaucoup, dans cette campagne. Nous autres humains avons déjà assez à faire : s’il fallait, en plus, s’occuper des bestioles, n’est-ce pas... Voici pourtant l’occasion : pour le film "Notre pain quotidien", qui sort cette semaine, Nikolaus Geyrhalter a planté sa caméra dans les abattoirs, les élevages industriels, les serres géantes, les champs, les mines de sel, les vignes de notre moderne Europe. Il nous motre ce que nous n’aimons pas voir : comment fonctionne l’énorme machinerie grâce à laquelle nous remplissons nos assiettes. Non, nous ne voulons pas voir ces milliers d’animaux qui passent leur vie entassés, enfermés dans leurs boîtes, leurs cages, leurs prisons ; voir ce boeuf qui tremble de terreur devant le tueur qui va l’exécuter d’un coup de pistolet électrique, et son cadavre être retourné par un robot, saisi par les pattes arrière, suspendu à la chaîne, et son successeur s’affoler à cette vue, rouler des yeux effarés et trembler devant le pistolet qui s’approche... C’est trop facile de jouer sur notre sensibilité de citadins, sur notre, lâchons le mot, sensiblerie.

Nous savons bien qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’oeufs ni de steaks saignants sans tuer les boeufs. Ne nous montrez pas ces robots qui tuent, éventrent, découpent, trient ; et qui laissent à de rares salariés le soin de faire ce que les machines ne peuvent encore exécuter habilement, édenter les porcelets, leur couper la queue, etc. Ne nous montrez pas ces ouvriers solitaires, enfermés dans le mutisme et le boucan mécanique, esclaves de la cadence imposée par la machine, cheptel pas moins entravé que l’autre.

Que l’industrie agroalimentaire n’ait plus aucun rapport avec la ferme d’antan ; que le vivant y soit formaté pour la consommation de masse ; que ses méthodes déshumanisent, nous le savons, évidemment. Mais nous préférons croire au monde enchanté des publicités, où de braves paysans aux tronches authentiquement "à l’ancienne" nous vantent leurs "produits du terroir". Nous voulons du rêve et de la légende, pas du réel.

La dernière fois qu’on nous a parlé d’animaux, c’était il y a un mois, lorsque le virus H5N1 a débarqué dans un élevage de dindes anglais. 860 bêtes sont mortes, mais, plutôt que de soigner ou d’épargner les autres, on a préférer les tuer. 160 000 dindes exécutées. Oublions vite. Arrêtez de nous parler des animaux...

Jean-Luc Porquet , dans le Canard Enchaîné du 14 Mars 2007, page 5.

Publié dans Coup de gueule

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Le plus horrible c'est l'abbatage d'élevage complet alors que l'on peut soigner...Il parait que du simple chlorure de magnésium dans l'eau de boisson évite bien des maladies aux animaux..<br /> La seul vraie maladie de notre Terre-Mère, c'est l'être humain
Répondre
Z
et oui, je suis totalement d'accord; arretons de parler d'animaux!<br />  <br /> réagissons plutot!
Répondre